On poursuit la restitution de ce weekend marathon avec une autre conférence donnée cette fois-ci dans le cadre du Creators Project Event au studio centquatre à Paris.
Au total se sont cinq artistes qui ont pris la parole à tour de rôle: Lab[au] (avec Els Vermang et Manuel Abendroth), Electronic Shadow (en présence de Yacine Ait Kaci) et deux autres artistes Magali Daniaux et Cédric Pigot.
Vous retrouverez leurs travaux en fin d’article, notez dors et déjà que dans la suite j’utiliserai les diminutifs E-S pour Electronic Shadow et D-P pour Magali Daniaux et Cédric Pigot.
Revenons justement à ce débat ; la problématique de cette rencontre était la suivante : Artist as a researcher. Il a donc été question de la place de l’artiste, de sa démarche d’investigation et du monde de la recherche…
N’ayant pas pu enregistrer la bande son de cette conférence, il est par conséquent difficile pour moi de vous restituer l’intégralité de cet échange de manière textuelle. En revanche, j’ai pris un certain nombre de notes durant ces deux heures. Ce que je vous propose donc c’est de présenter cet article sous une forme un peu originale : Celui d’un jeu de questions réponses avec des citations de chaque artiste.
Notez que parmi toutes ces citations un certain nombre est exacte au mot près tandis que pour d’autres j’ai dû réarranger la syntaxe. Quoi qu’il tout au long de cet article je me suis efforcé de restituer de manière neutre les propos de chacun sans tomber ni dans la paraphrase ni dans l’interprétation..
Présentez-vous en quelques minutes …
E- S: « Pour nous, chaque installation est un prototype »
« Atomist data »
« La narration est au coeur de notre travail, elle permet de dépasser les limites technologiques »
Artiste ou chercheur ?
E- S: « Nous sommes des artistes mais pas dans la limitation que suppose sa définition [ndlr celle de l'artiste]«
Lab[au]: « Nous nous considérons effectivement comme des artistes avec des problématiques d’artistes »
Lab[au]: « Nous voulons avoir la maitrise de l’œuvre »
La notion de collectif artistique? Systématique et étape incontournable aujourd’hui?
E-S : « La transdisciplinarité est nécessaire »
E-S : « Nous sommes dans la collaboration, ce qui nous intéresse c’est justement faire le joint entre différents métiers »
Lab[au] : « Nous distinguons projets urbains et autres projets »
Lab[au] : « Au fil des années nous avons développé une certaine méthodologie »
Quid de la question des mécènes et plus largement du financement de vos travaux?
Lab[au]: « Nous sommes financé par de grandes institutions, groupes et des collections, musées »
E-S : « Nous sélectionnons nos collaborateurs, pas de dérivatifs de produits »
E-S : « Notre mécène c’est nous-même »
E-S : « On écrit nos scénarios puis le projet prend forme et vit sa vie »
D-P : « Nous démarchons nous-même, en général cela se passe bien »
La question de l’artiste et de l’ingénieur :
Lab[au] : « A la différence de l’ingénieur notre but ne sera jamais de développer une nouvelle forme de technologie»
D-P : « Nous n’avons pas la même quête »
Lab[au] : « Le scientifique a un point de vu très rationnel, nous nous ne cherchons pas forcément une application à nos œuvres »
La question du brevet :
D-P : « C’est du temps perdu »
E-S : « Le brevet est un moyen de se protéger » « Au final nous sommes aussi une petite entreprise »
Et la nature dans tout ça, source d’inspiration ?
Lab[au] : « La nature est un médium »
E-S : « C’est une question importante dans le cheminement de nos recherches » « L’humain étant naturellement fasciné par la nature il est donc tenté de l’imiter »
L’écologie :
Lab[au] : « Il y a ce que l’on pourrait appeler un gaspillage nécessaire. Par exemple, il n’y a rien de plus beau pour l’unité de la Belgique que ses autoroutes. Elles créées un lien plus fort que de simples méga watt »
L’expérience ultime ? :
E-S : « Elle est déjà intégré à nos œuvres dans les narrations que nous avons faite du futur »
D-P : « C’est la dernière expérience avant de mourir ! »
Les scientifiques ?
E-S : « On ne parle pas du tout de la même chose » « Les scientifiques voit l’art comme systématiquement quelque chose de beau »
D-P : « Les scientifiques que nous avons côtoyés faisaient des mesures … ce qui n’a rien de franchement glamour (rire) » « Il n’y a absolument rien de systématique à ce que scientifiques et artistes se comprennent et fassent des choses ensemble »
Conclusion :
Tous : « Nous sommes avant tout des artistes »
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Pour conclure cet article sur une note un peu plus personnelle je vais à présent vous livrer mon point de vue sur les différentes questions abordées tout au long de cette discussion. S’il m’arrive rarement de prendre partit sur ce blog – je m’en sers plus d’un espace pour stocker et partager du contenu avec vous – je pense que cette conférence est un bon point de départ pour exprimer quelques-unes de mes idées et susciter le débat.
Tout d’abord ce qu’il faut bien préciser, c’est que cette expérience fut pour moi riche et porteuse de sens. Pour la première fois en effet j’ai pu vivre en live une discussion où les protagonistes étaient tous issues du milieu artistique.
Moi qui suis plutôt habitué à côtoyer des ingénieurs j’ai donc pu appréhender une vision totalement nouvelle : celle de purs artistes avec d’autres représentations du monde scientifique…
… Malheureusement je ne vous le cache pas le choc fut rude !
Connaissant les travaux avant-gardistes des différents protagonistes je m’étais en effet fait à l’idée de rencontrer des personnes semblables à moi : à la fois artiste mais aussi ingénieur dans leurs manières de procéder. J’ai donc été très déçu de voir la distance que mettaient ces derniers entre scientifiques et artistes.
Pire encore, j’ai vraiment eu le sentiment pendant de longues minutes que nous, ingénieurs, étions perçus comme des personnes obtus, bornées ayant pour seuls objectifs le matérialisme et la rigueur.
A propos du rôle de l’ingénieur par exemple. J’ai eu cette désagréable impression que la volonté de l’artiste primait sur le reste. L’ingénieur devant se plier aux exigences et son rôle se bornant essentiellement à celui du simple exécutant. Au risque de vous étonner, je connais de nombreux ingénieurs qui sont de vrais créatifs (le boulot d’un ingénieur étant justement de trouver des solutions innovantes à un problème…)
Bref, vous l’aurez compris, je me suis heurté à une vive incompréhension entre les deux partis. C’est d’autant plus incroyable que si l’on regarde la somme technologique utilisée par les deux collectifs Lab[au] et Electronic Shadow ils doivent quasiment tout aux ingénieurs.
Alors oui peut-être que je grossis un peu le trait mais malheureusement force est de constater que même à l’heure d’Internet, de l’omniprésence de la technologie (jusque dans les œuvres artistiques) les clichés restent tenaces (mais je ne vous apprendrais rien en vous disant que ces même clichés sont hélas perceptibles dans le milieu de l’ingénieur).
D’où mon incompréhension, nous avons pourtant des atomes crochus que diable (et oui je revendique cette expression de scientifique :p) : L’expérimentation, le fait de se poser des questions sont des valeurs communes !
Alors s’il vous plait messieurs les artistes soyez avant gardistes jusqu’au bout et abolissez ces sinistres clichés.
One Response to “[Rencontre - Débat] Artiste as a researcher”
Très vrai ta conclusion. Dommage en effet que ces 2 mondes aient du mal à se rencontrer.
Par experience, tu es généralement obligé de rajouter un acteur « tampon » entre les membres de ces 2 pôles opposés pour arrondir les angles.